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de Néoléa à la Fédération Française pour la Citoyenneté et l'Égalité des chances

La naissance de Néoléa à La Courneuve :

En 2021, au Lycée Jacques-Brel à La Courneuve, un jeune élève nommé Jeroen Atputharajah prend conscience d’un problème criant : après les cours, sa ville se transforme en cité-dortoir où les jeunes n’ont aucun lieu pour se retrouver, échanger ou prolonger leurs projets.

Élu au Conseil de la Vie Lycéenne de Jacques-Brel, il voit bien que l’engagement lycéen est limité à une vingtaine d’élus, alors que de nombreux autres jeunes de La Courneuve désirent s’investir. De plus, une fois leur bac en poche et le lycée terminé, chacun part de son côté : La Courneuve devient un endroit où il est presque impossible de recroiser ses anciens camarades.

Engagé en Seine-Saint-Denis, le département le plus pauvre de France, Jeroen voit chaque jour les difficultés auxquelles font face les adolescents de banlieue. Il comprend que cet âge charnière de la vie peut tourner à la désillusion pour les jeunes livrés à eux-mêmes.

Le constat est clair : pour éviter qu’une fracture sociale ne se creuse davantage, il faut créer un cadre pérenne où la jeunesse de La Courneuve puisse rester soudée et épanouie une fois la sonnerie du lycée passée.

Face à ce risque d’isolement et soucieux de briser cette archipellisation de la jeunesse, il décide d’agir. Avec une poignée de camarades lycéens tout aussi motivés, il fonde Néoléa, la première association par et pour des jeunes à voir le jour à La Courneuve. Le nom choisi signifie « jeunesse » en grec, illustrant la vocation de cette nouvelle association : donner aux jeunes de La Courneuve un refuge où ils peuvent se rassembler, s’exprimer et bâtir des projets au-delà du cadre scolaire. Dès ses débuts, Néoléa se donne pour mission de recréer des espaces de dialogue, de transmission et de lien social dans un territoire souvent touché par la précarité.

Jeroen s’emploie alors, avec les autres fondateurs, à intervenir dans les lycées de La Courneuve autour de thèmes citoyens. Ces premières actions, débats, ateliers, discussions, leur confirment l’ampleur du phénomène d’abandon ressenti par la jeunesse. Fort de cette prise de conscience, il s’engage pleinement dans l’aventure Néoléa, convaincu qu’ensemble ces jeunes courneuviens peuvent renverser la vapeur et redonner espoir à toute une ville.

Une jeunesse isolée et la réponse de Néoléa : la mémoire comme fil rouge.

Très vite, le jeune président de Néoléa dresse un diagnostic partagé sur la situation des jeunes à La Courneuve et dans les quartiers populaires similaires : ces jeunesses sont éparpillées, cloisonnées chacune de leur côté, sans lieu ni récit commun pour les unir. Il ressent chez ses pairs un sentiment d’abandon et de désaffiliation vis-à-vis de la société, aggravé par la crise du Covid-19 qui a accentué l’isolement et la détresse psychologique. Pour Jeroen, il est impératif de refaire du commun, de recréer du lien entre ces îlots de jeunesse dispersés. Le choix fondateur de Néoléa sera alors clairement politique et symbolique : il décide de fédérer les jeunes autour d’un grand récit républicain partagé, celui de la Résistance. Ce thème de la Résistance s’impose naturellement à lui, car il parle à tous et fait écho à l’histoire multiculturelle de La Courneuve.

La Résistance française durant la Seconde Guerre mondiale n’était pas qu’une affaire de « Français de souche », elle a rassemblé des combattants de toutes origines, des Européens exilés jusqu’aux tirailleurs des anciennes colonies. « La France, c’est une histoire d’engagements, de héros et de valeurs universelles », aime-t-il rappeler en évoquant cette épopée. Il voit dans les heures les plus sombres de notre pays le moment où la France a su montrer le meilleur d’elle-même, et il veut transmettre cet héritage porteur d’espoir aux jeunes de La Courneuve.

Concrètement, sous l’impulsion de Néoléa, de multiples projets mémoriels et citoyens voient le jour. Jeroen organise avec son association des parcours de mémoire : les jeunes visitent des lieux emblématiques comme le Mont-Valérien, haut lieu de la Résistance, ou le Mémorial de la Shoah à Drancy tout près de La Courneuve.

Au fil de ces sorties, ils découvrent que leur propre ville de La Courneuve a abrité des héros méconnus de la lutte, telle Suzanne Masson – ouvrière résistante ayant combattu l’Occupant – dont l’histoire les touche particulièrement. Néoléa invite des historiens et même d’anciens témoins à partager leurs récits, retraçant par exemple le parcours de Missak Manouchian, d’origine arménienne, ou de Joséphine Baker, l’artiste franco-américaine, tous deux engagés dans la Résistance. À travers des ateliers thématiques, des ciné-débats (par exemple autour des films Simone, le voyage du siècle ou De Gaulle), et même des activités culturelles originales, tel un atelier de danse organisé en partenariat avec le collectif Wakadanse, recréant l’ambiance des bals clandestins de l’Occupation, il s’efforce de faire revivre cette page d’histoire auprès des nouvelles générations.

Chaque action vise à incarner la mémoire : il ne s’agit pas de leçons figées, mais bien de faire ressentir aux jeunes la portée des valeurs de courage, de solidarité et de liberté. Néoléa met un point d’honneur à valoriser des figures longtemps invisibilisées de la Résistance, notamment celles issues de la diversité qui font écho au vécu des jeunes de La Courneuve. Peu à peu, grâce à ce fil rouge mémoriel, un “nous” civique se recrée parmi ces jeunes qui hier encore ne se connaissaient pas. Jeroen voit naître entre eux une fraternité nouvelle, ancrée dans la fierté d’un héritage commun. « Nous devons bâtir une mémoire vivante, incarnée, qui relie les générations », répète-t-il souvent lors des réunions de Néoléa. Donner aux jeunes des lieux où se rencontrer, des récits dans lesquels se reconnaître, et des droits à revendiquer, tel est le credo de l’association. Cette stratégie originale s’accompagne d’une référence explicite à l’histoire politique de la Résistance : Jeroen et son équipe se sont inspirés du programme du Conseil National de la Résistance, Les Jours Heureux. De la même façon que ce programme ambitieux avait dessiné en 1944 les bases d’une société plus juste après la Libération, Néoléa voit en Les Jours Heureux un modèle d’après-crise pour la jeunesse actuelle. Forte de cette vision, l’association martèle que « ce qui nous lie, c’est une promesse à réinventer, ensemble ». Il s’agit pour Néoléa de raviver la flamme de l’engagement citoyen chez les jeunes de La Courneuve, de combattre le repli sur soi, l’indifférence et le cynisme par la fraternité républicaine et l’action collective. Et à en juger par l’enthousiasme croissant autour de ses initiatives, le pari est réussi : la jeunesse localement isolée se mue en une communauté soudée, consciente de son histoire et actrice de son avenir.

De La Courneuve à Creil : La naissance de la FFCE

Fort de l’élan créé à La Courneuve avec Néoléa, Jeroen Atputharajah nourrit bientôt l’ambition d’essaimer cette dynamique ailleurs en France. Il n’est pas le seul à y penser. Dès 2019, il était en contact avec deux autres jeunes visionnaires : Simao et Deodato Ntoni, fondateurs de JACSO. Tous trois partagent dès le départ la même intuition : pour peser davantage et offrir à d’autres territoires ce qui a réussi dans les leurs, il faudrait unir leurs forces au sein d’une structure plus large. Préférant ne pas brûler les étapes, chacun se consacre d’abord à ancrer solidement son association locale, Néoléa à La Courneuve en Île-de-France, JACSO à Creil dans les Hauts-de-France, afin de mettre au point un modèle reproductible. L’idée d’une fédération de jeunesse et d’éducation populaire reste dans un coin de leur tête. C’est en mai 2024 que le déclic se produit : Jeroen, Simao et Deodato se recroisent lors d’une simulation parlementaire du Parlement européen au CESE à Paris. En discutant, ils réalisent que le rêve ancien d’une alliance nationale les habite toujours. L’actualité leur rappelle d’ailleurs l’urgence d’agir (cette année-là, l’instabilité politique avec la dissolution de l’Assemblée nationale, les tensions sociales autour des Jeux Olympiques de Paris 2024, puis la crise gouvernementale servent de toile de fond à leurs réflexions). À l’automne 2024, Jeroen et Simao se retrouvent autour d’un café et découvrent que, sans se consulter, chacun de son côté a commencé à imaginer la même structure fédératrice. Il ne leur en faut pas plus pour passer à l’action : ils invitent aussitôt Deodato à se joindre à eux pour concrétiser ce projet. En une journée intense, les premières bases sont posées. Ils tracent les grandes lignes de ce qui deviendra la Fédération Française pour la Citoyenneté et l’Égalité des Chances.

Afin de symboliser la filiation avec l’héritage de la Résistance qui est particulièrement cher à Jeroen, ils programment le lancement officiel au 15 mars 2025, date anniversaire du programme Les Jours Heureux par le Conseil National de la Résistance. Ce jour-là, lors d’une soirée de lancement chargée d’émotion, Néoléa et JACSO actent leur fusion au titre de l’article 9 de la loi 1901, donnant naissance à la FFCE.

Cette fédération nationale porte en elle cinq années d’expérience et de savoir-faire accumulés par les deux associations fondatrices. Très vite, la FFCE reçoit un accueil enthousiaste et une reconnaissance institutionnelle : elle devient lauréate du Prix de la Laïcité de la République française et lance dans la foulée un ambitieux programme intitulé « La République et ses tribuns » (commémorant les 120 ans de la loi de 1905 sur la laïcité). Désormais, Neolea peut porter encore plus loin les valeurs et les actions initiées à La Courneuve, et JACSO celles développées à Creil.

La FFCE fonctionne sur une logique ascendante : ce sont les besoins du terrain qui dictent l’agenda national, et non l’inverse. Les moyens de la nouvelle fédération sont mis au service des initiatives locales, reproduisant l’esprit Néoléa/JACSO à l’échelle de divers territoires. L’objectif est clair : offrir à la jeunesse de tous horizons un tremplin et une voix. La FFCE élargit son champ d’action vers des publics jusqu’alors éloignés : les jeunes des quartiers populaires urbains, mais aussi ceux de la ruralité ou encore des territoires ultramarins. À travers des rencontres interterritoriales, la fédération crée des ponts entre ces jeunesses de France qui ne se côtoient que rarement.

Concrètement, la FFCE déploie des projets de plus en plus ambitieux : parcours mémoriels à l’échelle nationale, simulations parlementaires et Model United Nations ouverts aux lycéens et étudiants de toute la France, ateliers d’insertion citoyenne et professionnelle, échanges interculturels, etc. Et fidèle à son ADN courneuvien, la fédération veille à ce que ces opportunités profitent avant tout à des jeunes qui en sont généralement exclus. Contrairement aux clichés où ce type de projets ne touche que des étudiants déjà privilégiés (en droit à Paris 1 ou à Sciences Po, par exemple), Jeroen, Deodato et Simao tiennent à ce que les bénéficiaires soient majoritairement issus de milieux populaires, souvent la première fois qu’ils participent à une simulation parlementaire ou à un programme civique de cette envergure.

La FFCE met donc en place un accompagnement sur mesure : formation à la prise de parole en public, ateliers de légistique (initiation à la rédaction de lois) encadrés par des étudiants en master de droit des universités parisiennes, mentorat par des aînés engagés…

Cette approche inclusive, qui était la marque de fabrique de Néoléa à La Courneuve, devient le fer de lance de la FFCE à l’échelle nationale. Grâce à elle, des lycéens de La Courneuve, de Creil et d’ailleurs, qui hier n’auraient pas osé prendre la parole, se découvrent aujourd’hui une vocation citoyenne et des talents insoupçonnés. En l’espace de quelques années, le petit groupe né au Lycée Jacques-Brel de La Courneuve est ainsi devenu le cœur d’un mouvement national. Jeroen Atputharajah, apparaît désormais comme l’un des artisans de ce renouveau de l’engagement chez les jeunes. Son histoire – celle d’un lycéen de La Courneuve qui, avec ses camarades, a créé un lieu d’espoir et l’a porté jusqu’à la création d’une fédération nationale – est un véritable récit inspirant. De La Courneuve aux quatre coins de la France, la flamme allumée par Néoléa continue de grandir, prouvant qu’avec de la détermination, de la mémoire et beaucoup de fraternité, la jeunesse peut écrire les plus belles pages de notre avenir commun.